Protéger mon conjoint par une clause d'attribution intégrale
Insérer une clause d'attribution intégrale permet :
D'attribuer au conjoint, sans indemnité et avant tout partage, l'ensemble du patrimoine commun ;
D'éviter l'indivision successorale sur les biens concernés.
Avantages - Inconvénients
D'un point de vue économique et juridique
Avantages :
Attribue au conjoint survivant l'intégralité de la communauté.
Excellent moyen d'assurer au conjoint survivant le maintien de son cadre de vie, de son niveau de vie, autonomie de vie.
L'attribution intégrale est un avantage matrimonial procuré au conjoint survivant. Comme tout avantage matrimonial, elle échappe aux règles de la réduction pour atteinte à la réserve (sauf en présence d'enfants qui ne sont pas nés de l'union via l'action en retranchement).
Les enfants non communs peuvent renoncer par anticipation à l'action en retranchement (C. civ. art. 205). La protection du conjoint est renforcée.
L'attribution intégrale peut porter sur la pleine propriété ou sur l'usufruit des biens.
Lorsque la clause porte sur la pleine propriété des biens, le décès de l'un des époux ne donne lieu à aucune formalité juridique particulière, mises à part les attestations immobilières ( sauf si présence de libéralités ou de biens propres).
Sur le plan civil, l'attribution intégrale prend effet au jour du décès. On tient cet avantage du contrat de mariage, d'où sa force juridique.
L'attribution des biens en usufruit par avantage matrimonial écarte l'application des articles 759 et 761 du Code civil (conversion de l'usufruit en capital ou en rente viagère).
Inconvénients :
L'attribution de la communauté au conjoint survivant entraîne aussi la transmission de tout le passif correspondant.
Elle ne peut concerner que les biens communs.
Elle implique l'existence d'un contrat de mariage ou d'un aménagement de régime matrimonial. Ce dernier a un coût qui peut être largement compensé par les économies procurées par l'attribution intégrale.
Si le défunt a des enfants qui ne sont pas nés du mariage, ceux-ci peuvent exercer "l'action en retranchement", action susceptible de réduire les avantages consentis par cette clause. Seule la fraction réductible de l'avantage matrimonial se trouve alors taxable dans la succession du défunt et sur la tête des héritiers.
Lorsque l'attribution a lieu en usufruit, le conjoint survivant ne peut pas disposer des biens, c'est à dire les vendre sans l'accord préalable des nus-propriétaires.
La clause d'attribution intégrale est un avantage matrimonial non révocable sauf aménagement du régime matrimonial.
En cas de communauté universelle, les enfants du mariage n'hériteront qu'au décès du survivant des deux époux sauf stipulation en usufruit (si aucune libéralité n'a été effectuée et le défunt n'avait aucun bien propre).
Les créanciers de la communauté sont réglés en premier lieu. Ils conservent le droit de faire vendre les biens compris dans la communauté.
D'un point de vue fiscal
Avantages :
L’avantage matrimonial n’est pas considéré comme une libéralité mais comme une convention matrimoniale, il n’est donc pas taxé aux droits de mutation à titre gratuit.
Inconvénients :
Si l'attribution a eu lieu en pleine propriété, les enfants sont redevables des droits de succession au jour du décès du survivant des époux sur la totalité du patrimoine de leurs parents.
En l'absence de biens propres appartenant au premier parent défunt, ils perdent donc le bénéfice d'un abattement fiscal ainsi que la progressivité du barème applicable en ligne directe.
Principe
Les époux peuvent insérer dans un contrat de communauté une clause en vertu de laquelle, en cas de dissolution de la communauté par décès, il y aura attribution de l'intégralité de la communauté au conjoint survivant, soit en usufruit, soit en pleine propriété.
Quel que soit le régime matrimonial
Si la clause d'attribution intégrale est souvent associée au régime de communauté universelle, rien n'interdit son utilisation avec un autre régime disposant d'une masse commune (communauté légale, biens communs de la société d'acquêts...).
La clause d'attribution intégrale est un avantage matrimonial et non une libéralité
La loi considère la clause d'attribution intégrale comme une convention de mariage et non comme une libéralité. Sur le plan juridique, elle se situe donc hors succession et hors des règles du rapport et de la réduction.
Les enfants d'un autre lit disposent de l'action en retranchement : celle-ci leur permet de réduire l'avantage matrimonial afin de bénéficier de leur réserve. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités a donné aux enfants non communs la possibilité de renoncer par anticipation à l'action en retranchement, en respectant les formes de la renonciation anticipée à l'action en réduction.
Points pratiques
Le droit de reprise des enfants
A défaut de stipulation contraire, les enfants du mariage ont le droit de faire la reprise des apports et capitaux entrés en communauté du chef de leur auteur (C. civ. art. 1525).
Cette faculté concerne les biens apportés au mariage ainsi que ceux acquis à titre gratuit au cours du mariage. Cependant, les époux peuvent écarter le droit de reprise dans leur convention matrimoniale.
Y-a-t-il un conflit potentiel avec des enfants non communs aux époux ?
Si le défunt a des enfants qui ne sont pas nés de l'union, ceux-ci peuvent exercer "l'action en retranchement" , action susceptible de réduire les avantages consentis par cette clause.
Sur le plan fiscal, les avantages matrimoniaux sont toujours exonérés de droits de succession. Dans le cas d'une action en retranchement, la fraction non réductible de l'avantage matrimonial c'est-à-dire celle qui n'excède pas la quotité disponible entre époux, n'est pas soumise aux droits de mutation par décès (C. cass. 06 mai 1997).
Les enfants acquittent les droits de succession sur ce qui leur est attribué.
L'attribution intégrale en pleine propriété est-elle nécessaire ? Peut-on protéger son conjoint tout en ménageant ses enfants ?
En choisissant l'attribution intégrale en pleine propriété, les enfants sont fiscalement désavantagés car ils perdent, en l'absence de biens propres appartenant à celui des deux parents qui décède en premier, le bénéfice d'un abattement fiscal sur les droits de succession, ainsi que de la progressivité du barème applicable. Il en va autrement si les époux choisissent l'attribution intégrale en usufruit.
C'est une clause extrême. Protéger le conjoint ne veut pas dire tout lui donner. Il est nécessaire de mesurer le besoin réel de protection des époux par rapport à leur cadre de vie, et de vérifier, au cas par cas, si l'attribution intégrale est adaptée.
Il est aussi judicieux de ne pas laisser au conjoint survivant de "cadeau empoisonné" et de bien vérifier s'il serait capable de gérer un portefeuille de valeurs mobilières par exemple.
Prévoir dans le temps
Les autres outils de protection du conjoint survivant
Assurance-vie
Assurance décès
Donation au dernier vivant
Donation de biens présents
Legs.
Suivi dans le temps de l'adéquation des solutions préconisées à l'évolution
De la situation familiale
Des objectifs patrimoniaux et de la législation.
Exemple
Jacques et Martine, âgés respectivement de 69 et 63 ans, sont mariés sous le régime de la communauté universelle. Ils ont un fils unique, David. Leurs biens communs sont estimés à 1 000 000 €, ils n'ont pas de biens propres. Ils souhaitent se protéger au maximum en cas de décès et notamment conserver la gestion et la disposition de tous leurs biens communs.Remarque : ils n'ont fait aucune donation à leur fils.
Si rien n'est fait - décès de Jacques
La communauté sera liquidée. Martine récupère la moitié des biens communs en pleine propriété. L'autre moitié rejoint l'actif successoral.
L'actif net successoral (= 500 000 €) sera réparti comme suit :
Martine a le choix entre le 1/4 en pleine propriété ou la totalité en usufruit
Son fils recevra les ¾ en pleine propriété ou la nue-propriété.
Droits de succession payés par le fils (option ¼ en pleine propriété)
1er Décès : 53 194 €
2e Décès : 100 462 €
Total droit de succession quasiment 154 000 €
Si les époux prévoient une clause d'attribution intégrale
En cas d'attribution intégrale en pleine propriété, au décès de Jacques, Martine devient propriétaire de l'intégralité des biens dépendant de la communauté (=1 000 000 €). Elle dispose ainsi de l'ensemble des biens et peut les utiliser comme elle le souhaite. Ce n'est qu'à son décès que la succession sera liquidée et que son fils recevra sa part.
Droits de succession payés par le fils (option ¼ en pleine propriété)
1er Décès : Pas de transmission
2e Décès : 213 000 €
La clause d'attribution intégrale permet à Martine de maintenir son cadre et niveau de vie mais cela a un coût pour David (+59 000 € de droits de succession).